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mardi 17 juillet 2018

L’opposition et la majorité poussent Jack Guy Lafontant à la démission à la barbe de Jovenel Moïse


Les députés, une majorité d’entre eux, étaient déterminés à manger tout cru le Premier ministre Jack Guy Lafontant ce samedi 14 juillet 2018. Les couleurs étaient hissées, les déclarations faites avant la séance. Personne ne croyait pourtant en la fermeté de leur intention. Surtout pas le premier ministre resté accroché à la Primature malgré les multiples appels à sa démission qui se sont intensifiés ces derniers jours.

Prévues pour dix heures du matin, ce n’est que vers 1 heure de l’après-midi que les choses sérieuses ont commencé à la Chambre des députés. Première surprise, le premier ministre arrive confiant, entouré de ses ministres. Deuxième surprise, l’appel nominal permet de relever la présence de 61 députés. Le quorum de 60 députés est atteint de justesse, mais il est atteint. Sur 117 élus, cela fait peu pour une si importante séance, mais 61, cela suffit amplement pour que la séance se tienne.

Le premier ministre porte beau, ce samedi. Entouré de ses ministres et conseillers, il n’a pas l’air soucieux. Il sait qu’il bénéficie de l’appui sans faille du président de la République qui résiste depuis une semaine à toutes les demandes de se défaire de son PM. Le secteur privé, les églises, la classe politique, les ambassades, la rue et les derniers évènements, tout pousse Jack Guy Lafontant vers la sortie. Il résiste. Fort de ses dernières négociations avec des élus, certain de trouver une issue heureuse, il s’est présenté au Parlement, devant la Chambre des députés la confiance en boutonnière.

La séance peut commencer

Au maillet, le président Gary Bodeau tient ferme la barre. La séance d’interpellation du premier ministre Jack Guy Lafontant va se tenir. Elle avait été mise en continuation la dernière fois. Les points de droit du député Alfredo Antoine et ses moments de colère n’empêchent pas le porte-parole des interpellateurs, le député de Grand-Goâve, Jean Marcel Lumérant, de dresser un cinglant réquisitoire contre Jack Guy Lafontant et son gouvernement.

Le souvenir des émeutes de la fin de la semaine écoulée, consécutives à la hausse des prix des produits pétroliers à la pompe, plane sur la salle. Toutes les personnes présentes dans l’enceinte du Parlement savent que le premier ministre est jugé sur son bilan catastrophique de la gestion de la crise, cependant ce n’est point ce sujet qui est le motif de l’interpellation.

Les 16 députés qui veulent la tête de Jack Guy Lafontant l’accusent d’avoir violé la Constitution en vigueur pour avoir nommé cinq ministres dont les pièces n’ont jamais été acheminées au Parlement. Parmi eux, quatre, selon une correspondance puis un rapport très officiel de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, ont été comptables des deniers publics et n’ont pas obtenu décharge de leur gestion, ce qui, selon la Constitution, les empêche d’être nommés ministres.

Jack Guy Lafontant a non seulement commis cet impair, mais également il persiste en gardant depuis des semaines les ministres illégaux dans son gouvernement. Même la démission de l’un d’eux, le ministre de la Culture et de la Communication, Guyler C. Delva, a été refusée par le président Jovenel Moïse.

Fort de ce point et des derniers développements concernant la situation de ministres illégaux, l’argumentaire de Lumérant prend forme. Il s’appuie aussi sur des petites touches qui égratignent le bilan général de Lafontant. Quand le député qualifie de recueils de poésie les deux rapports d’activités du gouvernement transmis par le premier ministre, rares sont ceux qui se retiennent de sourire au Parlement. Parmi les activités marquantes de son mandat, le PM a listé ses rencontres avec des personnalités…

Lumérant égrène les reproches, Lafontant sourit. Lumérant accuse, Lafontant sourit. En fait, on le saura plus tard, le premier ministre est à ce moment très confiant dans son destin. Il pense que tout va bien se passer. Il a fait ses devoirs. Il a des parlementaires qui lui sont dévoués. Toute la semaine, il a claironné qu’il se présenterait à la séance d’interpellation pour voir de ses yeux quels sont les députés qui auraient le courage de le sanctionner.

Quand l’élu de Kensckoff, Alfredo Antoine, gravit le pupitre, on s’attend à ce qu’il défende le Premier ministre et l’action du gouvernement. Le député Antoine est de la majorité présidentielle au Parlement. Membre influent de l’Alliance Parlementaire pour Haïti (APH), il est vu comme la figure de proue des défenseurs du PM.

Alfredo Antoine se contente de faire valoir le point que la séance en continuation doit se faire avec le rapport de la commission qui doit statuer sur le sort des ministres accusés. Il réclame la formation de la commission et insiste sur la primauté du Parlement sur la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif.

Les arguments du député ne font pas le poids. Jeudi, en accordant décharge à l’un des ministres en cause, celui de la Justice, la Cour des comptes a prouvé que la pièce manquait à son dossier au moment où il a été nommé ministre. D’ailleurs, toutes les pensées sont déjà passées à autre chose. Une majorité s’est dégagée pour sanctionner le premier ministre. Dans la salle, députés et gouvernement savent que la messe est dite.

Le premier ministre espérait un miracle : l’absence de quorum ou un quorum infirmé au fil des minutes, il se rend compte qu’il s’est trompé. D’autres députés ont rejoint la séance en cours de route. C’est la curée et ils sont nombreux ceux qui veulent en être.

Quand Jean Wilson Hyppolite, le président du groupe parlementaire APH, demande la parole et sollicite une suspension de séance, on comprend qu’il y a un tournant. Le député Hyppolite n’a rien dit pour sauver ou défendre le gouvernement, son gouvernement. Alfredo Antoine avant lui avait jeté la dernière pelletée de terre sur le cercueil du gouvernement. Avant de laisser le perchoir, Alfredo Antoine avait avoué avoir retiré sa confiance au premier ministre publiquement depuis vendredi.

Il ne reste alors que les formalités d’usage

A la reprise de la séance, quand le Premier ministre prend la parole, il y a une tension dans l’air. Traits fermés, ce n’est plus l’homme arrivé confiant qui parle. On ne se rappelle plus celui qui souriait quand Lumérant le chargeait. Le PM tire une dernière cartouche contre la Police nationale d’Haïti et une autre contre les hommes de Pétion-Ville, de Kensckoff qui ne doivent pas diriger le pays...

Jack Guy Lafontant, président du Conseil supérieur de la Police Nationale et Premier ministre, essaie de se décharger de ses responsabilités dans le cadre des émeutes. Il prophétise que la PNH finira comme les Forces Armées d’Haïti. Il ose dire que la PNH sera comme l’Armée kraze zo, nom porté par les FADH pendant les dures années de répressions militaires (1986-1994). Pour clore ce chapitre, il demande au Parlement de prendre des mains de la PNH ses pouvoirs sans dire à qui les confier.

Quand on sait que l’un des derniers actes contestés du premier ministre est un arrêté qui confie tous les pouvoirs de la PNH au CSPN qu’il dirige, on se demande pendant un moment de quoi parle Jack Guy Lafontant…

Dans une autre de ses salves, le Premier ministre tient des propos hautement racistes et stigmatise des hommes de tel type d’origine qui ne devraient pas conduire la destinée du pays. Il confie avoir eu cette leçon de son père…

Quand enfin Jack Guy Lafontant annonce avoir, avant de se présenter au Parlement, remis sa démission qui a été acceptée par le président Jovenel Moïse, des applaudissements éclatent dans la salle. Des députés poussent un ouf de soulagement, un ministre bondit de son siège pour exprimer sa joie. Alors que Gary Bodeau, le président de séance, tente de clore les débats, sans autre forme de politesse, le Premier ministre cherche la porte et prend la fuite.

Le PM quitte le Parlement vraiment par la petite porte.

Reste alors des questions : Jack Guy Lafontant avait-il démissionné avant de se présenter au Parlement comme il l’a déclaré ? Si oui à quel titre a-t-il pris la parole au parlement ? Jack Guy Lafontant a-t-il été contraint pendant la suspension de séance de présenter dans cette forme inusitée sa démission pour éviter un vote de censure de sa majorité alliée aux opposants notoires du régime ?

Quand le président de l’assemblée tranche, sans aucune forme de procès : « La séance est levée ! » les députés se lâchent. « Il devait laisser le Parlement les mains menottées », s’étrangle, entre deux soupirs, Clauvis Robas, allié de PHTK.

« Si le Premier ministre a déjà remis sa démission, il ne devait pas se présenter au Parlement. Il est malhonnête. Il n’est pas sérieux […] », juge Antoine Rodon Bien-Aimé.

Pour Antoine Rodon Bien Aimé, « Bodeau devrait au moins sermonner le Premier ministre d’être entré illégalement au Parlement ».

Jean Robert Bossé, acide, parle d’une violation flagrante de la Constitution. « C’est extrêmement grave ce qui s’est passé. On va procéder à la mise en accusation du président de la République. On ne va pas lâcher l’affaire », explique-t-il, peu après la séance.

Les députés interpellateurs aspirent même à procéder à la mise en accusation du président de la République qui devait préalablement informer l’assemblée de la démission de son Premier ministre. Les interpellateurs, soutenus par une bonne partie des députés de la majorité présidentielle, ne pavoisent point, quoique Jack Guy Lafontant soit désormais hors jeu. Ils croient d’ailleurs que ce n’est que la première étape dans leur combat pour le respect des lois de la République.

Il faut dire que tout aurait été décidé lors de la suspension de séance demandée par Jean Wilson Hyppolite, l’homme à tout faire de la majorité présidentielle. L’élu de Léogâne aurait forcé Jack Guy Lafontant à se retirer pour s’éviter une « humiliation ».

« Acculé, Lafontant s’est enfin résigné et a appelé le président de la République pour lui faire part de sa décision avant de s’exprimer devant l’assemblée», a d’ailleurs expliqué l’élu Lavalas de Port-Salut, Sinal Bertrand, sur plusieurs radios.

Ce samedi, c’est bien une alliance d’opposants et d’amis du pouvoir qui ont fait échec au président Jovenel Moïse et à son premier ministre. Des millions ont été dépensés, des promesses ont été faites, mais, comme le président une semaine plus tôt, les élus du peuple ont entendu et suivi la voix du peuple et se sont débarrassés d’un premier ministre devenu encombrant.

La dernière grande prise de parole de Jack Guy Lafontant c’était le samedi 7 juillet, il avait, sur les ondes de la Télévision Nationale d’Haïti, confirmé la hausse des prix des produits pétroliers et provoqué les plus graves émeutes de ces dernières années dans la région métropolitaine.

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